CHÉTOGNATHES

CHÉTOGNATHES
CHÉTOGNATHES

Les Chétognathes (Chaetognatha ) constituent un groupe phylogénétiquement très isolé de petits animaux marins planctoniques, à organisation simple; ils sont hermaphrodites à développement direct. Leur répartition géographique est extrêmement vaste; ils vivent à toutes profondeurs mais présentent des exigences écologiques spécifiques. Prédateurs de nombreux êtres planctoniques et eux-mêmes proie d’autres organismes, ils s’intègrent dans les chaînes alimentaires marines.

Organisation

Petits animaux (de 6 à 80 mm env.) à symétrie bilatérale, les Chétognathes sont dépourvus d’appareils circulatoire, respiratoire et néphridien; ils possèdent, en revanche, cœlome, tube digestif, système nerveux, organes sensoriels et organes reproducteurs (cf. figure).

Des crochets céphaliques de texture fibreuse forment des organes de préhension, très mobiles, d’où les Chétognathes tirent leur nom ( 﨑見晴精兀, soie, et 塚益見礼﨟, mâchoire). Il existe aussi une formation ciliée dorsale (couronne ciliaire) à rôle sensoriel, sécréteur dans certains cas (Spadelles), mais non excréteur, ainsi que des récepteurs de vibrations, disséminés à la surface du corps, intervenant dans la détection des proies.

Les Chétognathes offrent de nombreuses particularités histologiques et cytologiques; il faut notamment relever l’existence d’un épithélium, stratifié par endroits (chose rare chez les Invertébrés) et constituant chez plusieurs espèces une gaine ou «collerette» entourant le tronc sur une partie de sa longueur et assurant une liaison forte et élastique avec la tête. D’autre part, l’œuf contient un corps cytoplasmique riche en acide ribonucléique et en polysaccharides qui, après la segmentation, se localise dans les cellules sexuelles primitives; ce «déterminant germinal» confère aux œufs de Chétognathes une détermination précoce (en accord avec le manque presque total de pouvoir régénérateur) et apporte un argument favorable à la continuité du plasma germinatif de génération en génération.

Une soixantaine d’espèces sont classiquement réparties en six genres: Sagitta , Pterosagitta , Eukrohnia , Krohnitta , Heterokrohnia , Spadella . Mais la systématique du groupe n’est pas définitivement établie: une récente classification remet en cause l’ensemble de la nomenclature et l’on tente par ailleurs de former des groupes d’espèces d’après leur morphologie et leur écologie.

Le genre qui rassemble les plus nombreuses espèces est le genre dit Sagitta , le terme de «flèche» évoquant à la fois l’allure générale de l’animal et son mode de propulsion par détentes brusques et répétées de quelques centimètres, dues aux contractions des muscles du tronc et de la queue.

Biologie

Les Chétognathes se reproduisent par voie sexuée. Ils sont hermaphrodites protandriques; on ne connaît l’accouplement que dans le genre Spadella ; chez les autres, il y a fécondation interne par la rencontre des ovocytes gagnant l’orifice de ponte temporaire, au niveau des papilles séminales, et des spermatozoïdes accumulés dans les réceptacles séminaux (intervention possible de «cellules accessoires»). On ne sait pas exactement comment se fait, chez le même individu, ou d’un individu à l’autre, le passage des spermatozoïdes des vésicules séminales aux réceptacles séminaux.

La ponte est libre dans le genre Sagitta ; les œufs (diamètre: de 0,1 à 0,2 mm) sont planctoniques; chez Pterosagitta , ils sont en amas de 200 à 300 dans une gangue gélatineuse qui abrite les larves à l’éclosion. Le développement est rapide (4 jours environ) et direct, car l’animal, long de 1 mm à sa sortie de l’œuf, présente déjà l’aspect d’un Chétognathe. Cette «larve» est flottante, sauf chez Spadella où elle se fixe.

Généralement très voraces, les Chétognathes sont de grands prédateurs d’êtres planctoniques. Ils ne semblent pas choisir leurs proies (Copépodes, Amphipodes, larves de Décapodes et de poissons, jeunes Chétognathes), qui peuvent être volumineuses, bouche et tube digestif étant extensibles. Inversement, les Chétognathes servent eux-mêmes de nourriture à certains poissons; mais leur teneur en eau assez élevée leur confère une valeur nutritive relativement faible. Ils s’intègrent ainsi dans les chaînes alimentaires du monde marin. On rattache à leur régime alimentaire très divers le fait qu’ils soient les hôtes transitoires ou définitifs de parasites variés.

Écologie

À l’exception des Spadelles, qui adhèrent, au moins temporairement, aux végétaux de la zone littorale, les Chétognathes sont des animaux pélagiques que l’on récolte au filet à plancton. Ils vivent souvent en peuplements denses ou essaims, dans toutes les mers, sous toutes les latitudes, à toutes les profondeurs (on en a recueilli par 5 000 m dans la fosse des Kouriles et il n’est pas impossible qu’ils pénètrent dans la zone hadale, au-delà de 6 000 m). Certains sont ubiquistes, grâce à une tolérance accentuée aux variations de conditions de milieu. D’autres espèces ont un habitat défini et certaines formes, en raison de leurs exigences écologiques, sont susceptibles de signaler par leur présence le développement de masses d’eau, ou formations hydrologiques, à caractéristiques déterminées (Chétognathes indicateurs).

Sur le plan écologique, on distingue ainsi les formes des eaux froides, des eaux chaudes, des eaux salées ou plus ou moins diluées.

Certains Chétognathes sont néritiques et peuplent les eaux qui recouvrent la plate-forme continentale; d’autres vivent au large et ne franchissent la limite du plateau continental qu’à la faveur de courants les portant à la côte; ils permettent d’ailleurs de déceler l’existence de ces courants.

Leur répartition bathymétrique est variée. En effet, certains Chétognathes se tiennent en surface ou, au plus, dans les couches subsuperficielles (entre 0 et 200 m); d’autres occupent les profondeurs moyennes (200-500 m) et un nombre plus restreint habite les grandes profondeurs (800-1 000 m et au-delà). Cependant, les Chétognathes vivant en profondeur ne restent pas cantonnés à des niveaux stricts. Sous des influences encore mal connues, certains d’entre eux, les jeunes surtout, remontent la nuit vers la surface. Ainsi s’établit entre surface et profondeur un courant migrateur périodique qui a reçu le nom de «rythme nycthéméral» ou «rythme circadien».

Quant à leur répartition géographique, elle n’est pas encore parfaitement connue; mais divers essais biogéographiques ont été tentés. Il semble exister des formes typiquement indo-pacifiques, notamment dans les eaux néritiques et quelques formes endémiques des eaux antarctiques. Une meilleure connaissance des peuplements réduit cependant peu à peu les différences d’un océan à l’autre. Les grands courants marins jouent un rôle de premier plan dans cette répartition: le courant atlantique, par exemple, qui amène en Méditerranée plusieurs formes du proche Océan, ou le courant des Aiguilles qui transporte certaines espèces de l’océan Indien dans l’Atlantique du Sud.

Affinités taxonomiques

Ce phylum très ancien, auquel on attribue (non sans réserves) un fossile datant du Primaire, à allure de Spadelle (Amiskwia sagittiformis , du Cambrien moyen de Colombe britannique), est considéré comme un des plus isolés du règne animal. Certes, les Chétognathes ont des affinités avec de nombreux embranchements, mais tous les rapprochements que l’on a tentés (même avec les Brachiopodes, Annélides et Nématodes, qui paraissent en être les plus voisins) ne résistent pas à la critique, à la lumière des recherches les plus récentes; aussi dans les classifications modernes, les Chétognathes figurent-ils comme un groupe indépendant.

Divers travaux actuels tendent à établir la signification des variations intraspécifiques, voire les modalités de la spéciation dans le taxon, ainsi que la filiation entre les familles ou les genres, par l’emploi de techniques nouvelles (méthodes mathématiques, microscopie électronique) et l’examen rénové de caractères (tube digestif, organes photorécepteurs, dents et appareil vestibulaire) capables de conduire, au-delà du cadre taxonomique, à des vues phylogénétiques.

⇒CHÉTOGNATHES, subst. masc. plur.
ZOOL. Classe de vermidiens marins, pélagiques, au corps très allongé, dont les mâchoires sont garnies de dents semblables à des soies. Les chétognathes ont de puissantes mâchoires qui leur permettent de capturer non seulement d'autres invertébrés planctoniques, mais même parfois des alevins (J.-M. PÉRÈS, La Vie dans l'océan, 1966, p. 39).
Rem. Attesté ds Lar. 19e, Lar. encyclop., GUÉRIN 1892 et QUILLET 1965.
Étymol. et Hist. 1878 (Lar. 19e Suppl.). Adaptation du lat. sc. chaetognatha (1874, Felder ds NEAVE) composé du gr. « crinière » et « mâchoire ».

Encyclopédie Universelle. 2012.

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